Catherine-Alexandre Briand
Catherine-Alexandre Briand a séjourné au presbytère de Scott la semaine du 28 Juillet. Elle a travaillé à la conception d’un ouvrage collectif intitulé « Interconnecté.e.s ».
Ce projet explore la nécessité du « lien »sous ses multiples formes.
C
Crédits photo : German Trujillo
Catherine-Alexandre Briand est titulaire d’une maîtrise en études littéraires de l’Université du Québec à Montréal. Dans le cadre de son mémoire, elle s’est penchée sur les rapports entre nomadisme, écriture et identité, thèmes qui l’occupent encore aujourd’hui. Ayant fait partie du collectif de poésie engagée La Filée, sa pratique artistique comprend la création collective, les performances-manifestes, la création de zines ainsi que l’affichage sauvage.
Si elle croit en la magie, c’est qu’elle est convaincue du pouvoir qu’ont les mots sur la construction du réel. Les formules agissent, c’est une évidence. Sa recherche d’une vie poétique l’aura menée à suivre plusieurs routes : de l’apprentissage du métier de maraîchère à l’expérimentation de la fameuse vanlife.
Catherine-Alexandre a également étudié le yoga en Inde afin de pouvoir l’enseigner. Passionnée par les voyages et leur mise en récit, elle a été membre du groupe de recherche Récit Nomade. Elle aime particulièrement tout ce qui résiste.
J’ATTENDS LA CRISE ET QUE TOMBENT NOS MURS
« Le rôle de l’artiste est de rendre la révolution irrésistible »
Toni Cade Bambara
Une main sur le coeur, l’autre sur le ventre : je reviens à la respiration. J’y reviens comme à la rivière, comme aux choses qui coulent sans pouvoir être arrêtées. Une main sur vos cœurs, l’autre sur mon ventre : je cherche à vous dire que vous me manquez, que tout me manque. Je cherche à dire que vous êtes partout et que pourtant nous ne savons plus nous parler. Nous avons oublié la langue lente et calme des arbres.
Une main sur le cœur, je reviens au souffle, à la grande et fastidieuse écoute. J’attends.
J’attends que la crise tombe nos murs, que sa mouvance nous lie les unes aux autres. Le contraire du black friday, de l’oeil pour œil dent pour dent. Je nous imagine déjà enlacées, chantant, au grand banquet des ruelles.
La terre secoue. Sa pulsation vrille et sa fièvre emporte les forêts. Brinquebalantes, nous tentons de nous adapter à cette nouvelle danse ; une danse dont nous ne sommes déjà plus le centre.
La terre secoue. Je reste calme et me rappelle cette saveur de catastrophes. 1998. Les arbres prisonniers des glaces, de la ville en patinoire, d’une étrange féerie. 1998 : un souvenir unanimement bon dans le cœur des enfants du verglas pour qui les vacances de Noël ne cessent de s’allonger. Ce ne sont pas que les arbres qui sont gelés. La machine aussi en prend un coup. L’intérieur de nos maisons pourtant se réchauffe, ça s’entasse, ça vit chez le voisin, ça joue longuement au Monopoly ou ça fly dehors sur les crazy carpets.
La crise du verglas comme plage blanche de temps gratuit.
En savourant mes souvenirs d’école buissonnière, j’écoute.
J’attends.
J’attends la tombée des murs. Ceux friables des condos et des cubicules. Le morcellement des cases horaires. L’autre loi de la jungle, dis-tu, c’est l’entraide.
Pour attendre la fin d’un monde qui n’est pas la fin du monde, je guette les rencontres qui accompagnent chaque croisement de regard. There is a crack in everything, that’s how the light gets in, chantes-tu. Je suis prête à être changée de toute part. La lumière est plus tendre que le béton. Elle en caresse les fissures.
Comme le verglas, comme 2012, comme chaque moment de rupture : j’attends que la crise nous dessine un espace pour respirer. J’imagine qu’elle viendra au printemps, apportant les délires, les horizons, la floraison et la sève qui manque. J’imagine qu’elle nous verra sortir dans les rues, recommencer à nous parler et à croire au pouvoir de nos mains.
Une main sur nos ventres, l’autre sur nos cœurs : j’écoute la respiration qui se module au rythme des secousses de l’époque. Je n’ai peur ni de la chute ni du vertige.
« J’attends la crise et que tombent nos murs », extrait de « Interconnecté.e.s »
Catherine-Alexandre a semé, pendant son passage, des micro-poèmes sur le site de Nouaisons.
(crédits photo : Catherine-Alexandre Briand)
Retrouvez le travail de Catherine-Alexandre Briand ici :
Ecrit par Nouaisons
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